“Le smartphone, un “investissement identitaire renouvelé””, c’est le titre d’un article daté du 1er septembre 2010, pour LeMonde.fr sous la plume de la journaliste Cécile Ducourtieux qui fait état des résultats d’un travail de recherche sous la forme d’une enquête ethnographique conduit pour l’opérateur Virgin Mobile : “Les usages de l’Internet mobile” conduite par Laurence Allard (Maîtresse de conférences en Sciences de la Communication – Université Lille 3 – UFR Arts et Culture), Olivier Aïm (Maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Paris IV –CELSA) et Joëlle Menrath (société Discours & Pratique) et qui a fait l’objet d’une conférence fin août à Paris.
Il nous est communiqué les résultats de cette enquête sous la forme d’un document en pdf de 21 pages librement téléchargeable à cette adresse.
La méthodologie retenue : 30 entretiens d’utilisateurs d’Internet mobile entre 15 et 40 ans, des entretiens en mode direct auprès de plus de 50 observateurs observés et des observations de situation d’usage courantes au quotidien (transport, café, sortie des lycées, rue, en situation professionnelle, avec des amis et en famille…) avec 3 terrains d’enquête : Paris et sa proche banlieue, une cité d’Aulnay-sous-Bois (93) et Strasbourg et son agglomération.
Les résultats de l’enquête tendent à démystifier l’utilisation du téléphone portable connecté et présente des résultats qui montrent tour à tour :
- la dimension symbolique de la possession d’un téléphone portable (de marque) connecté à Internet ;
- la large diffusion des applications et un “nouveau” type de navigation davantage marqué par des applications que par l’utilisation du Web traditionnel ;
- l’aspect relationnel essentiel dans l’usage de la téléphonie portable connectée et la diversité de l’engagement relationnel (plusieurs modes d’utilisation) ;
- l’écriture est l’une des utilisations phares du mobile connecté (se souvenir d’une idée, agenda…) qui le fait nouveau support de mémoire (hypomnêmata),
- une communication écrite mobile qui va du flux de pensées à l’intelligence des convenances en passant par la conscience des fluctuations de l’attention.
Il est également présenté la symbolique et l’affect liés aux 3 acteurs majoritaires (systèmes d’exploitation) de l’internet mobile connecté : iPhone, BlackBerry et Android.
7 principaux enseignements de l’enquête “Les usages de l’Internet mobile”
Les résultats sont l’enquête sont résumés par l’équipe de recherche sous la forme de 7 principaux enseignements :
“1. A rebours de l’image publicitaire d’une gamme infinie d’applis interchangeables, chaque utilisateur ne visite qu’un petit nombre de site et d’applis, mais en usant de modes d’accès multiples : cet usage ciblé, très différent de celui de l’Internet fixe, témoigne d’une agilité qui vise à adapter au mieux l’accès à ses besoins.
2. Le smartphone connecté est un dispositif à plusieurs entrées, auquel on demande d’être «globalement» performant : le terminal, le forfait, le réseau, l’autonomie (la «durée de vie», comme disent nos plus jeunes interviewés) fonctionnent en système pour les utilisateurs – la performance de l’une des dimensions compensant la déficience de l’autre.
3. Après une période de démocratisation du mobile, où l’outil avait perdu de son lustre statutaire, il donne lieu aujourd’hui à un investissement identitaire renouvelé : posséder un iPhoneou un Blakberry, c’est prendre position dans ce que certains appellent une « guerre», aussi lourde d’enjeux que, naguère, la bataille «PC / Mac».
4. Internet mobile n’est pas un simple ersatz d’Internet fixe : il est associé à de tout autres modalités d’actions, qui mobilisent des degrés d’engagements faibles et s’entrelacent facilement avec toutes les situations de la vie courante.
5. Le succès de l’Internet mobile repose sur l’intérêt pour des dispositifs permettant de jouer sur plusieurs tableaux relationnels.
6. Les smartphones sont des instruments au service de l’«écriture généralisée». Ce faisant, ils offrent une prise sur le temps, devenu matière à formulations et à manipulations.
7. Enfin, l’usage des smartphones montre une fois de plus que les utilisateurs ne se contentent pas de réaliser ce que la technologie rend possible : le sens des convenances sociales et professionnelles, agencées avec une conscience nouvelle des fluctuations de l’attention, conditionne fortement l’utilisation de ces nouvelles machines à écrire.”
(Remerciements à Laurence Allard pour la communication de la présentation des résultats finaux de cette enquête etnographique).