La ville de Ploemeur (Morbihan) vient de publier le rapport d’étude réalisé par Laureline Simon, stagiaire à l’espace multimédia de Ploemeur : “Les réseaux sociaux sur Internet modifient-ils la communication, l’identité, la citoyenneté de leurs utilisateurs ploemeurois ?” librement téléchargeable en pdf à cette adresse.
Le contexte
A partir de la mise en place d’un observatoire jeunesse au sein de la ville, il est considéré que les jeunes constituent un potentiel pour l’avenir de la société et non un état de crise (tel que souvent décrit par les médias). Pour ce faire, la commune travaille sur 5 axes :
- Un diagnostic sensible du jeune,
- L’information des jeunes,
- Les caractéristiques de la jeunesse à Ploemeur,
- L’utilité sociale des jeunes (chercheurs d’emploi),
- et… Les réseaux sociaux.
La dernière thématique comprend un projet coordonné par Gwénaëlle André, animatrice de l’Espace Multimédia avec une enquête immersive, sociologique autour de 3 questionnements principaux:
- Les réseaux sociaux modifient-ils les relations entre les gens?
- Quelle construction identitaire?
- Quel citoyen pour demain cela génère-t-il?
L’enquête
Laureline Simon, étudiante à Science-Po Toulouse a été chargée de cette enquête de 5 mois. Elle a étudié (en observation participante) les comportements des usagers de l’Espace Multimédia sur les réseaux sociaux. Suite à cette enquête (aujourd’hui finalisée) réalisée en partenariat avec le GIS Marsouin, les acteurs éducatifs de la ville (collèges, lycée, mais aussi la Police Nationale, le Conseil Général, DDCS…) ont été conviés à une réunion pour exposer les premiers résultats et initier un projet fédérateur.
La méthodologie a inclus une enquête immersive (de type ethnologique) au sein de l’espace multimédia afin de recueillir les perceptions sur les pratiques des usagers de l’EPN, 30 entretiens individuels basés sur un questionnaire au sein de la Maison des Jeunes et auprès des usagers réguliers de l’Espace Multimédia ainsi que la réalisation d’animations (enfants, jeunes, adultes, professionnels) auprès des membres du club informatique, d’écoles primaires et de centres de loisirs afin de faire connaître les réseaux sociaux et les usages qui peuvent en être faits.
Les résultats
Les résultats de l’enquête “Les réseaux sociaux sur Internet modifient-ils la communication, l’identité, la citoyenneté de leurs utilisateurs ploemeurois ?” sont intéressants et mettent à mal un type de discours médiatiquement ambiant (“schématiquement, Facebook c’est mal et en plus c’est dangereux”). Ils ont été présentés à la médiathèque de Lorient le 13 mai 2011, à l’occasion d’une conférence sur la confiance numérique en ligne. Il est rappelé dans cette vidéo l’objectif de l’étude, son contexte, le projet initial, son développement et son devenir.
Les faits saillants des résultats de l’enquête :
Les jeunes utilisent des méthodes d’apprentissage par tâtonnements avec une stratégie de solidarité entre les pairs. Chez les adultes et les seniors, l’usage du mode d’emploi est répandu et l’apprentissage se fait davantage dans un rapport enseignants/élèves avec l’existence d’un complexe naissant d’un décalage entre connaissance informatique et expérience de la vie. Ainsi, il est constaté que les jeunes utilisateurs ne lisent pas les règlements des réseaux sociaux contrairement aux adultes qui pensent dans un premier temps aux dangers existants.
Les pratiques sociales de l’utilisation des réseaux sociaux évoluent avec l’âge. Les enfants s’y inscrivent pour jouer. A l’adolescence, c’est le pouvoir de s’identifier à un groupe qui prime, ce qui correspond à une période de construction de l’identité. La base chiffrée par comparaison entre les profils des utilisateurs jeunes compte : “Les adolescents qui utilisent les réseaux sociaux au sein de l’Espace Multimédia passent passent beaucoup de temps à parcourir les profils et les photos des autres. En effet, c’est le nombre d’amis, de commentaires par post ou d’identifications dans des photos de groupe qui permetd’identifier les dominants et les dominés”.
La création sur les réseaux sociaux par les jeunes (textes, images, vidéos) est minoritaire. Elle concerne 4 des 30 jeunes interrogés. L’ordre social n’est pas “renversé” par les pratiques sociales sur les réseaux en ligne. Il existe toutefois un respect chez les pairs du jeune “talentueux” dans les jeux en réseau.
Chez les adultes, les réseaux sociaux servent comme outil pour retrouver des amis, motivation primordiale d’inscription aux réseaux sociaux. Chez les seniors, la possibilité de communication via les réseaux sociaux entre membres d’une même famille constitue une motivation d’inscription très ancrée dans les pratiques.
“Les réseaux sociaux sur Internet ne dé-sociabilisent pas les utilisateurs mais modifient leur sociabilité” indique Laureline Simon. Chez les jeunes, l’une des questions qui comptent est “Pourquoi ne pas s’inscrire sur les réseaux sociaux” et non pas la question “Pourquoi s’y inscrire”. La préférence va à la communication non virtuelle et le fait que bien des amis hors ligne ne font pas partie du réseau virtuel “amical” n’est pas excluant dans la vie réelle.
Pour les adolescents, le réseau social est vécu comme un point de rencontre, un “squat” virtuel avec une utilisation beaucoup plus massive de la messgerie instantanée du réseau social par rapport aux statuts du mur des adolescents. Faire partie du groupe est considéré comme essentiel à cet âge.
Chez les émigrés et exilés, l’utilisation de Skype et de YouTube permet de communiquer avec les proches à l’étranger et de rester en contact avec la culture d’origine.
“Les réseaux sociaux sur Internet sont plus socialisant que dé-socialisant”. Le jeu en réseau est par exemple prétexte à l’interaction chez les jeunes et le contact prime. Le fait de fréquenter l’Espace Multimédia permet la rencontre physique avec les autres joueurs.
Sur la thématique liée à l’internet responsable et à la différenciation entre informations publiques et privées sur un réseau social, les jeunes éprouvent une difficulté sur la notion de loi : “le questionnaire m’a permis de découvrir que la notion de loi était totalement abstraite pour les adolescents. Quand je leur demandais s’ils pensaient que la loi française protégeait suffisamment leurs données sur les réseaux sociaux, ils me répondaient en parlant des règlements des réseaux” écrit l’auteur de la recherche.
Chez les jeunes, l’expérience joue un rôle majeur dans le fait de se fixer des limites : “tester les limites pour savoir qu’elles existent sans quoi elles sont invisibles”.
En conclusion, Laureline Simon souligne que “les réseaux sociaux ne créent pas les comportements inappropriés mais leur donnent une nouvelle ampleur. En témoigne le fait que les utilisateurs qui se comportent de manière inappropriée en ligne sont les même qui se comportent de manière inappropriée dans le monde physique”.
Il est suggéré une éducation aux réseaux sociaux à inscrire dans un processus éducatif plus global. Les jeunes ne font pas confiance aux sociétés propriétaires des réseaux sociaux pour protéger leurs données personnelles, ce qui n’est pas antinomique pour eux avec le fait de publier sur les réseaux sociaux (vrai nom, photos…). Laureline Simon préconise une éducation aux réseaux sociaux avec un accompagnement notamment par les pairs. Le rôle de l’EPN est essentiel : accueil, accompagnement, lieu de projet et d’échanges inter-générationnels.
Nouveau projet
A l’issue de cette étude, un groupe de travail s’est mis en place réunissant diverses institutions (Police Nationale, Education Nationale, DDCS, CG, Ville, Information Jeunesse, Marsouin) et associations (Défis) afin de mettre en place des actions.
2 axes de travail se dessinent :
1. Développer l’échange de compétences : ceux qui savent techniquement utiliser l’informatique ne sont pas forcément ceux qui savent avoir du recul sur l’information transmise,
2. Mettre en place une plate-forme internet favorisant l’échange de savoirs.
(Remerciements à Gwénaëlle André)
Enquête très intéressante 🙂
Elle confirme ce qu’on constate tous les jours dans nos espaces mais permette au moins de le fixer sur le papier.
Je suis curieux de voir le travail du groupe constitué après l’étude 🙂