La Ligue de l’Enseignement propose un dossier Internet : nouvel espace démocratique ? en une de son portail (août-septembre 2011) avec des ressources pour s’informer, réfléchir et trouver des repères sur la question du Web comme lieu d’expression et de débat. Un ensemble de documents et de textes invitent à en savoir plus.
Une vidéo introductive (2 mn 40 s) interroge sur les enjeux actuels de l’Internet comme espace de liberté pour les citoyens, de diffusion de l’information pour les médias ou encore de mobilisation pour les citoyens. L’effet de massification des données et des contributions diffusées sur le Web sont explicitées par Eric Maigret (sociologue) et Philippe Couve (journaliste).
Une page texte rappelle les enjeux sur ce sujet avec 3 leçons principales à tirer du Web comme enjeu citoyen :
“La première porte sur la réversibilité et l’ambivalence des évolutions. Par exemple, la capacité virtuelle de chacun à s’exprimer porte en elle une possibilité de contrôle sans précédent : c’est toute l’ambiguïté de la redéfinition de l’espace public et il convient aujourd’hui d’être très attentif à tout ce qui concerne la vie privée.
La seconde porte sur la neutralité des réseaux, violée par les régimes autoritaires mais aussi attaquée dans son principe par de grands acteurs économiques : ce principe fondateur de l’Internet survivra-t-il aux tentatives multiples de différencier les usages ? C’est l’idée même d’Internet comme bien public qui est en jeu ici.
La troisième répond en quelque sorte aux deux premières, en pointant la nécessité d’un apprentissage. Il y a autour d’Internet un enjeu d’éducation populaire, car les usages que nous en ferons détermineront le devenir des réseaux et des outils par lesquels nous y participons.”
Une série de points de vue illustre les questions en filigrane. Ces réflexions sont téléchargeables en pdf :
De nouveaux échanges démocratiques ?
Militer en ligne : Ressources et limites des nouvelles formes d’engagements (entretien avec Dominique Cardon, sociologue) :
Espace relativement ouvert de rencontre et de débat, Internet offre des ressources nouvelles à l’engagement et aux coopérations militantes et signe une différence avec les formes d’organisation plus traditionnelles, qui conservent, quant à elles, une plus grande capacité à produire un discours fort. Mais de part et d’autre, on assiste à des processus d’hybridation.
Organiser sans organisations (note de lecture sur Clay Shirky, enseignant) :
Une révolution dans l’organisation sociale a commencé, et Clay Shirky en est assurément l’un des plus brillants chroniqueurs. Avec Here Comes Everybody: The Power of Organizing Without Organizations (Penguin Press HC, 2008), il a donné un ouvrage de référence pour tous ceux qui tentent de comprendre la façon dont réseaux et nouvelles technologies reconfigurent les structures sociales.
La neutralité des réseaux, un enjeu citoyen (entretien avec Sébastien Bouniol, responsable des stratégies Web à la Ligue de l’enseignement) :
Le thème de la neutralité des réseaux est apparu dans le débat public avec les polémiques liées à la protection du droit d’auteur ou à la censure exercée par certains régimes autoritaires. Mais loin de ne concerner que des pratiques illégales ou antidémocratiques, il s’agit d’un enjeu central si l’on veut continuer à développer les immenses possibilités offertes par Internet. Et l’éducation des utilisateurs est un point décisif.
“Difficile d’évaluer les contours exacts du changement” : Sur les conséquences sociales de l’information (entretien avec Jannis Kallinikos, chercheur)
Fragmentation du réel, recombinaison constante d’éléments jadis organiquement liés, règne de l’éphémère… les conséquences de la place croissante des technologies dans notre vie quotidienne sont repérables. Mais il est encore trop tôt pour repérer les évolutions institutionnelles qui pourraient accompagner ce mouvement. Les sciences sociales gagneraient à s’en préoccuper davantage.
L’émergence de nouveaux acteurs
“Ce nouvel espace public exige une éthique” : Sur la blogosphère et les réseaux sociaux (entretien avec Romain Pigenel, blogueur)
Médias en ligne et réseaux sociaux sont l’un des apports les plus visibles d’Internet à l’espace public. L’intensité des échanges atteste la nature profondément sociale et collective d’Internet, mais des questions se posent : les inégalités de participation notamment, mais aussi l’imaginaire de la transparence dont les dérives exigent une éthique de la publicité.
Contre la trahison de “l’esprit du Net” : Hackers et autres pirates du Web (entretien avec Rodolphe Durand, sociologue)
Le mouvement des Anonymous, qui a défrayé la chronique en relayant l’initiative de Julian Assange et de Wikileaks, exprime l’une des cultures les plus caractéristiques de la Toile. Attachés à la liberté d’expression, technophiles, ces internautes anonymes font valoir une vision du Net comme bien public et ils n’hésitent pas à franchir les bornes de la légalité au nom de cette vision.
“L’altermondialisme est en partie l’enfant d’Internet” : Les mouvements protestataires et l’idéal du journalisme citoyen (entretien avec Eddy Fougier, politologue)
Le mouvement altermondialiste a trouvé sur Internet des ressources nouvelles, qui lui offrent des canaux de communication mais permettent aussi le développement d’une autre vision de l’information, proche de celle rêvée par le linguiste américain Noam Chomsky dans les années 1970. Mais le rêve d’un journalisme citoyen ne fait pas disparaître un intérêt pour les grands médias.
Des révolutions Facebook ?
Cyberactivistes et société civile : Les ambiguïtés révolution tunisienne (entretien avec Romain Lecomte, politologue)
On a beaucoup parlé d’Internet dans la révolution tunisienne, mais les cyberactivistes ont principalement joué un rôle de relais et il ne faudrait pas sous-estimer par ailleurs les efforts d’une société civile organisée certes fragile mais dont le savoir-faire militant fut décisif. Dans la reconfiguration actuelle de l’espace public tunisien, réseaux sociaux et nouveaux médias peuvent tenir une place importante, mais qui n’est pas sans ambiguïté.
Pour en finir avec la “Twitter revolution” (par Ulises Mejias, chercheuse)
Les révolutions arabes ont souvent été associées à Facebook ou Twitter. Mais il ne faut pas se laisser abuser par ces labels, qui peuvent aveugler les représentations. Alors que les réseaux numériques se développent, se centralisent et se privatisent, ils augmentent certes les possibilités de participation. Mais ils accroissent aussi les inégalités et offrent aux autorités plus de possibilités de contrôle.
Ne pas surestimer le rôle d’Internet : Quelques pensées sur la révolution tunisienne (par Evgeny Morozov, chercheur)
Si les réseaux sociaux ont joué un rôle dans l’émergence et la réussite des révolutions arabes au printemps dernier, il convient de ne pas surestimer ce rôle. Il serait dangereux de négliger les possibilités offertes par Internet aux régimes autoritaires, de la dépolitisation des citoyens au contrôle et à la propagande.
La ligue de l’Enseignement indique ensuite une série de repères via une bibliographie doublée d’une webographie (sites et blogs) traitant de la thématique. Enfin, un quiz de 10 questions vient clôturer ce dossier.