Le cabinet d’audit et de conseil Deloitte a livré mi-janvier un rapport indiquant les principales tendances pour 2012 dans le secteur des télécommunications, des médias et de l’industrie technologique : “Predictions for the Technology, Media & Telecommunications Sector, 2012” (Prévisions pour le secteur des télécommunications, des médias et de l’industrie technologique, 2012).
Cette analyse s’appuie sur des sources internes et externes provenant de conversations avec des représentants de firmes de secteur, des contributions des 7 000 partenaires et managers spécialisés dans les technologies qui appartiennent à des firmes membres du cabinet, de débats avec des analystes du secteur, et d’interviews de cadres dirigeants du monde entier.
Ce 11e rapport mondial annuel (téléchargeable à cette adresse en pdf – version en anglais), souligne que la demande de biens de consommation technologiques continuera à progresser en 2012, transformant l’électronique grand public en symbole de statut social. 5 millions de tablettes seront achetées par des personnes qui en possèdent déjà une. Sur l’ensemble des programmes télévisés regardés, pas moins de 95% seront des émissions en direct ou à diffusion originale inférieure à un jour, ce qui montre la domination de la programmation de télévision, même en 2012. 5 milliards d’heures seront consacrées à la télévision de rattrapage dans les transports publics.
Voici un aperçu des conclusions les plus significatives de l’étude :
Les investissements dans l’électronique grand public défient la crise
La demande de biens de consommation technologiques continuera à progresser en 2012, avec des chiffres de ventes (potentielles) record de smartphones et de tablettes, tandis que la demande de téléviseurs et d’ordinateurs à bas prix sur les marchés émergents stimulera la production. Comparé au prix d’achat d’une voiture ou d’une maison, un investissement dans de l’électronique grand public pourrait devenir un symbole de statut alternatif pour les consommateurs au budget limité. Des acheteurs pourraient même sacrifier leurs vacances pour pouvoir acquérir un nouvel ordinateur ou un téléviseur dernier cri.
2 tablettes au moins : l’avènement des propriétaires de plusieurs tablettes
L’explosion des ventes de tablettes ne montre aucun signe de ralentissement depuis l’apparition de ces objets technologiques sur le marché en 2010 et l’on peut s’attendre à ce qu’elle devienne la pénétration du marché “multi n’importe quoi” la plus rapide de l’histoire. Au niveau mondial, 5 millions de tablettes seront vendues en 2012 à des personnes qui en possèdent déjà une, pour un chiffre d’affaires qui pourrait atteindre 2 milliards de dollars. Le choix des modèles devrait encore se diversifier. Il faut s’attendre à une nette augmentation du nombre et de la popularité des tablettes plus petites, avec un écran de 5 à 7 pouces, destinées à d’autres usages que leurs équivalents de 10 pouces. Les entreprises devraient également s’intéresser à des tablettes plus solides et offrant des solutions de sécurité. Cela représente un défi pour les propriétaires de contenus, les opérateurs de réseau et les détaillants, qui doivent se préparer à réagir à l’avènement de ménages possédant plusieurs tablettes.
Plus d’un demi-milliard de smartphones “low-cost” seront utilisés fin 2012
Plus d’un demi-milliard de smartphones à prix cassé – vendus pour moins de 100 dollars – seront utilisés fin 2012, car la demande de combinés basiques offrant néanmoins des fonctionnalités similaires à celles d’un ordinateur continue à augmenter. La progression des smartphones à 100 dollars est semblable à la croissance des “netbooks” – ordinateurs portables peu puissants, mais de faible coût –, car ils séduisent les consommateurs qui souhaitent remplacer leur combiné plus basique, sans pour autant avoir besoin de la puissance ou de la fonctionnalité d’un système haut de gamme. L’opportunité la plus intéressante se situe dans les pays émergents, où l’accès à internet n’est pas généralisé, mais où il existe un désir croissant de services de communication et d’information. En outre, le smartphone à 100 dollars est également susceptible de séduire les utilisateurs des marchés matures, où il pourrait devenir un 1er téléphone idéal pour les adolescents, en offrant un “look de smartphone” à un prix moins élevé. Cela mettrait la pression sur le “supply chain” pour réduire les prix des composants et représenterait un défi pour les développeurs d’apps puisque les propriétaires de smartphones bon marché sont moins susceptibles d’accepter de payer pour des téléchargements.
Tant d’apps, si peu à télécharger
Le nombre d’apps disponibles a connu une croissance exponentielle, puisqu’il a atteint le million d’unités en décembre 2011 et doublera à nouveau d’ici la fin 2012. Or, la proportion d’apps pour lesquels un prix est acquitté demeure faible. 1/5e seulement des apps payées téléchargées dépassent la barre des 1.000 unités et seule une proportion infime des apps ne bénéficiant d’aucune promotion est appelée à connaître le succès. Les développeurs sont inondés de demandes, en raison du nombre accru de modèles de smartphones et de tablettes. Pour atteindre une cible mondiale, un développeur doit parfois réaliser 360 variantes en raison des différences de systèmes d’exploitation, de langues, de vitesse de traitement et de taille d’écran.
5 milliards d’heures consacrées à la “télévision de rattrapage” dans les transports publics en 2012
Au niveau mondial, les détenteurs de smartphones et de tablettes consacreront 5 milliards d’heures à regarder la télévision sur leur système dans les transports publics en 2012, car l’âge des “voyageurs-téléspectateurs” commence à augmenter. La croissance de ce mode de télévision offre une opportunité aux producteurs de contenus. Il constitue cependant une concurrence évidente pour les éditeurs de journaux gratuits et les fabricants de consoles portables de jeux vidéo.
La programmation de télévision conserve sa prépondérance
En dépit de la mort annoncée de la télévision linéaire, 95% de tous les programmes de télévision regardés en 2012 seront des émissions en direct ou à diffusion originale inférieure à un jour. La technologie n’a pas bouleversé la télévision classique qui fait preuve d’une grande résistance. Même l’avènement des réseaux sociaux a tendance à renforcer, plutôt qu’à diminuer, l’attrait de ce média, puisque les commentaires sur les programmes dépassent désormais le foyer familial pour s’étendre à la communauté. Cela peut s’expliquer par le fait que nous sommes fortement attachés aux horaires et à la routine quotidienne qui ont notre préférence.
Les jeux sociaux en plein développement
Avec la progression des réseaux sociaux et la popularité des jeux sociaux en 2010 et en 2011, le potentiel financier du “social gaming” suscite l’attention du public. Les entreprises évolueront au-delà du modèle “freemium” qui les a placées sous le feu de la rampe, afin de s’adjuger une plus grande part d’un marché mondial des jeux qui atteint 63 milliards de dollars. La croissance a déjà commencé à ralentir pour certains développeurs, tandis que la progression de la communauté mondiale des joueurs sociaux se fait hésitante depuis 2 ans. La croissance du chiffre d’affaires dans le sous-secteur ralentira à moins de 20 % en 2012, ce qui pourrait contraindre les développeurs de jeux à moins se focaliser sur la vente de produits virtuels sur les réseaux sociaux et à s’intéresser davantage au potentiel offert par la publicité ou le préchargement des jeux. Une des tendances à venir pourrait être l’adoption du modèle commercial du secteur traditionnel des jeux pour consoles et la recherche à développer des franchises.
Et toujours plus de données : voici venir la fin de la ligne (câblée) pour l’internet illimité
L’importance de la demande de données pousse déjà de nombreux réseaux de téléphonie mobile à restreindre le volume illimité de téléchargements et une tendance similaire pourrait se manifester en 2012 pour les lignes fixes. 100 millions d’utilisateurs internet vont devoir commencer à surveiller les volumes téléchargés cette année, suite à l’imposition de plafonds liés à la bande passante pour soulager l’engorgement. La demande progresse de plus de 30 % par an et de nombreux fournisseurs de réseau sont déjà contraints de réduire la vitesse du trafic aux heures de pointe. Les plafonds imposés aux réseaux mobiles contraignent de nombreux consommateurs à transférer le volume des données utilisées vers des réseaux Wi-Fi, ce qui accroît encore la pression exercée sur le monde filaire. Que ce plafonnement soit dicté par des considérations de facturation ou de vitesse, l’époque des données “illimitées” semble bel et bien s’acheminer vers son terme et des options telles que le “web bypass” pourraient devenir des solutions pour les consommateurs désireux de réduire leur consommation et d’éviter de dépasser les limites imposées.
Disques durs et avènement du stockage à semi-conducteurs
La technologie de stockage utilisée pour les systèmes grand public dans le monde est en général considérée comme acquise par les consommateurs, mais le désir accru de gadgets de plus petite taille et plus légers, ainsi que l’avènement de la virtualisation pourraient impliquer une formidable poussée pour les fournisseurs d’unités de stockage à semi-conducteurs (Solid State Drives – SSD). Fin 2012, le stockage à SSD pour les petits systèmes tels que les lecteurs MP3, les smartphones et les tablettes représentera 90 % du marché, contre 20 % en 2006, et 15% du segment des ordinateurs portables. Même le marché des centres de données pourrait se tourner vers des unités de stockage plus petites, permettant un refroidissement et une consommation énergétique plus efficaces, à semi-conducteurs, comme alternative aux disques durs plus traditionnels. Cette technologie de stockage sur des puces en silicium devrait bénéficier d’un comportement averti des consommateurs, qui commenceront à attacher plus d’importance à la capacité de stockage dont ils ont réellement besoin pour des systèmes spécifiques, tout en tenant compte que davantage de services de stockage virtuel sont disponibles.
Par ailleurs et de façon complémentaire, Deloitte Royaume-Uni a publié ces jours-ci une étude (en anglais) mesurant l’impact économique de Facebook en Europe en 2011 (en pdf).