Ayant exercé ce métier pendant cinq ans, et en ayant cessé l’exercice, je me permet de partager l’idée que je me fais de ce métier et de ses nombreuses facettes, dans l’espoir d’en améliorer la compréhension et la reconnaissance.
“Que faites vous dans la vie ?
Je suis animateur multimédia.
…
Je travaille dans un EPN (Espace Public Numérique).
…
Je lutte contre la fracture numérique.
Je lutte contre la fracture numérique qui n’appartient pas au passé
Assez souvent dans ce type de conversation, s’ensuit une assez longue explication pour préciser en quoi consiste ce métier, qu’est ce qu’un EPN, et éventuellement en quoi consiste la fracture numérique, et pourquoi elle n’appartient pas au passé. Si j’avais répondu bibliothécaire, mon interlocuteur aurait compris que je travaille dans une bibliothèque, afin de favoriser l’accès à la culture. Le métier de bibliothécaire ne se réduit pas à ça, mais globalement, l’explication est plus rapide. Mais je ne travaillais pas dans une bibliothèque.
Reprenons les trois premières réponses et développons : Animateur multimédia : Je fais des animations, ateliers, ateliers d’initiations, de sensibilisation, de découverte ou de perfectionnement quand j’en ai la possibilité, dans le domaine du multimédia. Multimédia : texte, image (photo, 3D), vidéo, son, sites internet : blog, wiki, plate-formes Web 2, réseaux sociaux, et tout ce qui sort de nouveau en la matière ( univers virtuels, jeux vidéo, MMORPG, réalité augmentée…), essentiellement sur support numérique, donc accessible à travers un ordinateur, et une connexion Internet. Mais la téléphonie mobile, la photo numérique et sans doute de nombreuses autres technologies entrent dans le champ de la profession. Rassurez-vous, on fait rarement tout ça, pour des raisons évidentes de temps, et quelques fois, parce que le public n’y est pas encore prêt. Notre travail est de l’accompagner dans son appropriation de toutes ces technologies.
Le public ? Tout le monde. Ca peut aller du petit enfant en âge de tenir une souris (et pas forcément encore de lire), au centenaire qui veut rester dans le coup, et envoyer des mails à ses arrières arrières petits enfants.
Pourquoi a t-on besoin d’animateurs multimédia ?
Mais pourquoi auraient-ils besoin d’animateurs multimédia pour cela (ou de médiateurs numériques, ou d’accompagnateur TIC) ?
Quelques simples et bonnes raisons :
Les technologies évoluent constamment.
Tout le monde n’a pas les moyens de suivre leur évolution, de se les approprier, et quelquefois, tout simplement d’y accéder (en fait, personne n’a les moyens de suivre toutes les évolutions).
S’approprier une technologie demande du temps et de la confiance en soi, et donc de la patience de la part du pédagogue.
L’animateur multimédia va donc être attentif à la culture numérique, aux évolutions du web et des techniques numériques, et transmettra des savoirs à son public, en fonction de ses besoins (et des moyens disponibles). Il aidera ses usagers à prendre du recul face aux technologies de l’information, afin d’en faire le meilleur usage possible.
Ne nous fourvoyons pas, je suis en train de faire un tableau de l’animateur multimédia idéal, tout le monde ne fait pas tout ce que je décris, j’essaie de décrire le potentiel du métier. Je vais essayer d’être fidèle à la réalité :
Face aux quantités des demandes des usagers, des besoins qu’il identifie, et dans le cadre d’organisation de sa structure, un animateur ne peut pas tout faire, et va devoir restreindre ses activités aux quelques unes que prévoient sa fiche de poste, son emploi du temps et son programme. Quelques fois, son activité se restreindra a gérer les accès des usagers (pire des cas selon moi) ou les initier aux logiciels microsoft (peut être encore pire ; ) ). Je ne sais pas si l’on peut appeler ceci “animateur multimédia”, mais les frontières de ce métier sont floues, et ces deux activités peuvent s’avérer essentielles (la deuxième aussi, si on enlève le mot “microsoft”).
Souvent, l’animateur traite de nombreux sujets, utilise une certaine variété de logiciels (non piratés, car il explique aux utilisateurs que le piratage, c’est mal), touche (à différents degrés d’expertise) à de nombreuses technologies différentes, souvent en réponse aux besoins des usagers.
Suivant le type de structure dans laquelle il exerce, il pourra ajouter les tâches d’un autre métier à celles d’animateur multimédia. Cela pourra être bibliothécaire, animateur jeunesse (BIJ/PIJ), conseiller pôle emploi ou mission locale, et je suis désolé d’en oublier certainement.
Un travail d’animateur “en plus” d’un autre métier
Beaucoup d’animateurs multimédia le sont “en option”, c’est à dire que leur travail d’animateur doit se faire “en plus” d’un autre métier. Je ne dis pas ceci pour les dénigrer, leur rôle de médiateur TIC peut prendre une dimension et une utilité particulière à la rencontre d’un autre métier, et vice-versa. Cependant, pour l’animateur en poste, ce type de jonglage peut s’avérer difficile, en particulier si la structure ne s’intéresse pas tellement aux enjeux du numérique, si ce n’est pour demander des subventions.
Imaginez une personne payée pas particulièrement cher, pour monter des activités relativement techniques et pédagogiques, en plus d’un autre poste. Affectez un tout petit budget à son activité (de quoi remplacer le matériel cassé). Faites lui gérer tous vos problèmes informatiques.
Ce petit tableau un peu pessimiste n’est pas si difficile à rencontrer. Je pense que bon nombre de financeurs et de responsables de structures n’ont pas réellement conscience des enjeux du numérique au sein de notre société et de leur structure. Pour beaucoup, l’expression de ces enjeux peut relever de la théorie, de la fiction ou de la rhétorique. Il ne connectent pas le terme “fracture numérique”, et l’embarras qu’ils peuvent ressentir au moment de faire une recherche internet, de connecter leur ordinateur à un réseau wifi, d’imprimer un document à plusieurs pages avec de problèmes de débordement de marges, de vouloir visionner une vidéo et de devoir installer des codecs pour cela, tous les problèmes concrets qu’ils peuvent rencontrer face à un usage des TICs, et les problèmes concrets que peuvent rencontrer des gens moins favorisés dans de tels usages.
L’animateur multimédia est confronté aux gens en difficulté face aux TIC
Et là, je vais peut être sembler commencer à râler, mais l’animateur multimédia est confronté aux gens en difficulté face aux TIC, ils viennent de partout. Alors, il peut se sentir mal reconnu par son employeur, ses financeurs, les politiques, mais il est le seul recours sur son territoire pour un certain nombre de personnes en difficulté face aux TIC, et souvent, il essaie de les aider, de faire son boulot, sa mission. Et tant qu’il reste en poste, il continue de se sentir incompris, isolé, mal reconnu. Pour qu’il se sente compris, il lui faut un responsable qui ait une bonne connaissance des TIC.
Pour qu’il ne se sente pas isolé, il faut qu’il ait une équipe, et si possible des possibilités de travailler en réseau (ceci est toute une autre histoire). Pour qu’il se sente reconnu, une petite augmentation ne ferait pas de mal, ou une médaille, une statue, même virtuelle, de l’animateur multimédia inconnu, je sais pas, moi ou tout simplement que les déclinaisons du métier “d’animateur multimédia” se précisent, et que des politiques suivies d’accompagnement aux TIC soient développées par des élus qui se sentent concernés par le numérique et son déploiement dans notre société.””